Le temple et les protestants

Martin Luther est né le 10 novembre 1483. Ce moine allemand prêche la révolte contre le pape et le pouvoir de l’église catholique romaine.

D’autres voix se joignent à la sienne, comme celle de Jean Calvin. L’ensemble des revendications crée un schisme. Un autre courant de pensées est né : le protestantisme.

Photo : Marianne Casamance

La position du village au carrefour des routes voit rapidement colporter les idées nouvelles, si bien que de nombreux villageois y adhérent et créent des sympathisants dans les communes environnantes. En 1578, le nombre de huguenots est tel qu’un nouvel édifice voit le jour sur l’actuelle place des Aires : un temple.

Mais auparavant en 1390, les troupes de Raymond de Turenne veulent attaquer Grignan. Elles se heurteront au verrou de Sales. Après d’âpres et violents combats, les mercenaires investissent la place. Ils ne font que passer. Ils laissent derrière eux la perte de nombreux habitants de la localité ainsi que des assaillants.

Les deux coseigneurs Isnard et Mittet d’Audiffret sont blessés en tentant de les repousser. Leur neveu meurt au combat.

L’église – tout comme de nombreuses maisons – a subi de graves dommages. Le vainqueur cède le village, sa forteresse, ses prisonniers contre une somme de 500 francs or. A terme l’orage étant passé, la communauté reprend sa vie paisible mais pas pour longtemps.

Les guerres de religion au parfum de guerres civiles viendront troubler la paix…. Elles dureront de 1520 jusqu’à l’Édit de Nantes. Le 4 juin 1634, les Adhémar de Grignan rachètent les terres des Seigneuries de Sales, Bayonne et Corconne, sauf le temple. La fin des guerres de religion n’interviendra qu’avec l’Édit de Nantes promulgué par le bon Roi Henri IV en 1598 ; à compter de cette date, les armes sont remisées. En 1652, François de Castellane Adhémar, envoie ses troupes pour interdire le culte protestant. Devant ces actes de violence, le peuple se soulève. Plus de mille personnes manifestent. Un procès est instruit devant la chambre de l’Édit de Grenoble. Le bras de fer devant les tribunaux est clos par un arrêté du conseil du 5 septembre 1683 : le temple doit être détruit. Il sera démoli. Pratiquement cent cinquante ans ont passé entre 1683, date de la démolition du temple, et le 13 juin 1834 où, en réunion, le Conseil municipal cherche un local convenable pour servir d’église au culte protestant. Le fait d’avoir un lieu de réunion repoussera quelque peu l’idée de reconstruction d’un temple. Les huguenots sont nombreux au village. Une maison dans la grand-rue qui appartient à M. Jean Gourion apparaît assez vaste pour assurer le service religieux. Le propriétaire accepte de louer une de ses chambres Pour le prix de 15 francs par an pendant cinq ans. Cette location perdurera jusqu’en 1852, le bail étant renouvelé tous les cinq ans. Tout a une fin. À terme le bailleur refuse de renouveler le bail.

À la séance extraordinaire du 10 avril 1873, le Conseil Municipal présidé par le Maire Jean Aggier constate que la situation ne peut plus durer. Qu’il est impossible de trouver au village une nouvelle salle qui conviendrait à l’exercice du culte protestant. Que de plus un don de 1000 francs a été fait à la commune pour la construction d’un temple. Qu’enfin un emplacement très favorable à cette fin a été offert gratuitement par deux habitants de la localité. Apparemment, il y a un consensus qui se dégage pour l’édification de cet immeuble, aussi bien du côté des élus que des habitants. La mairie parle des coupes de bois dont le produit de la vente sera affecté à l’ouvrage.

En 1876, le Maire s’exprime ainsi :

Messieurs, depuis plus de quinze ans la construction d’un temple protestant est agitée en cette commune. Le projet toujours retardé parce que le budget ayant à solder d’autres dépenses plus pressantes, telles que le transfert du cimetière, la construction d’une école de filles, le tracé d’une route, etc… n’aurait pu faire face à la dépense nécessitée par cette construction. Aujourd’hui toutes ces améliorations indispensables sont terminées et payées et notre commune n’a plus pour le moment, de grosses dépenses à faire, aussi Messieurs, je crois le moment opportun pour réaliser les voeux exprimés depuis si longtemps par près d’un cinquième de la population, d’ailleurs cette construction est indispensable car les protestants n’ont qu’une maison pour se réunir, que la commune loue 40 francs par an, qui ne peut être appropriée au devoir d’un culte. »

L’absence de maison de culte n’empêche pas la vie pastorale. Le pasteur Clauzel, en 1789 et 1790, baptise de nombreux enfants. La construction d’un nouveau temple ne sera réalisée qu’en 1884 soit environ 150 ans après la démolition du premier.

De tout temps, les lenteurs administratives ont provoqué des retards. Ce n’est pourtant pas la volonté des citoyens et des élus qui doit être mise en cause. Cette volonté est attestée par le discours du Maire de l’époque qui a résolu les problèmes concernant la reconstruction.

Cependant, courant 1884, la communauté protestante soulève une question. Il n’y a dans les plans, hormis la grande salle de prière, aucune pièce où enfermer les objets du culte ou encore pouvant servir de retraite au pasteur pour mettre ou quitter ses habits de cérémonie. La construction n’étant pas achevée, il est bon de prévoir une petite pièce à cet effet. Quoi de plus ? Il est plus économique de la faire construire en même temps que le temple plutôt qu’à une époque ultérieure. Pour cet imprévu, 150 francs viendront en supplément sur le devis initial.


Si vous avez l’occasion d’entrer dans le temple, allez sous la chaire vous y trouverez une petite porte dont le bois racle le carrelage et en poussant fort vous accéderez à une petite pièce avec une fenêtre donnant à l’Est qu’on aurait appelée sacristie s’il s’était agi d’une église. L’entretien du temple a fait l’objet en 1902 d’une rénovation de la toiture et du plafond pour la somme de 94 francs. Pour la fête du village, dans ce temple, les artistes peintres du village et des environs exposaient leurs œuvres pendant trois jours. Actuellement la chaire est le seul élément mobilier de cette grande pièce éclairée par quatre imposantes ouvertures qui apportent tout au long de la journée une belle luminosité.

Le 21 Janvier 2021, lors d’un conseil presbytéral, la désaffectation de cet édifice cultuel ainsi qu’une rétrocession à la mairie de Salles sous bois ont été actés.

Le conseil presbytéral a accepté à l’unanimité que le temple soit repris par la mairie de Salles sous bois en souhaitant toutefois que la magnifique chaire qui s’y trouve soit préservée.

Textes : Gérard Jean