L’adaptation au sol de certaines récoltes n’a pas échappé à l’oeil et au nez de la fée Mélusine.

Elle parcourt le territoire faisant pousser au pied d’arbres comme le peuplier, le noisetier et principalement le chêne vert, sous quelques centimètres de terre, des boules noires à l’odeur et à la saveur incontestées.

Il s’agit de la truffe noire qui se traduit en latin par « tuber melanosporum ».

truffes
Photo : Véronique Pagnier

Le Sud-est de la France est la première région de production de la truffe noire dite du Périgord. Le nom de « Périgord » est une appellation botanique et non géographique, 70% des truffes commercialisées en France proviennent du Vaucluse.

Richerenches

Célèbre depuis l’antiquité, il a fallu malgré tout attendre l’aristocrate et gastronome « Brillat-Savarin » pour lui donner ses lettres de noblesse. Du temps de Rome, ce champignon était servi à la fin des repas, mélangé à une sauce au gingembre ou à la cannelle, ce qui masquait son odeur et son goût. Après la chute de l’empire Romain, l’usage de la truffe semble s’être perdu tout au long du Moyen Âge. Ce sont les Papes d’Avignon qui, à la Renaissance, la remettent à l’honneur et en font l’ordinaire des fêtes princières.

La production a bénéficié, après la Révolution, de la reforestation qui avait été précédée d’une déforestation par la mise en culture des essarts. Plus tard, dans les régions viticoles et notamment dans le midi, la crise du phylloxéra a provoqué une nouvelle extension des truffières sur les parcelles de vignes abandonnées. La récolte au début du XXe siècle dépasse mille tonnes chaque année. Richerenches est l’une des quatre communes qui forment l’enclave des Papes. Actuellement enclave du Vaucluse dans la Drôme Provençale. Ce village a appartenu aux templiers qui en firent la plus grande commanderie de Provence. Sur le cours Mistral (le bien nommé, à cause du vent) se tient le marché aux truffes de la mi-novembre à la mi-mars.

Les transactions portent chaque semaine sur sept cents kilos de truffes, ce qui en fait le point de vente de la truffe noire le plus important d’Europe.

Pas banal ! En dehors du coté marchand, depuis 1952, a lieu pour la Saint Antoine dans l’église du village de Richerenches, chaque troisième dimanche de janvier, « la messe aux truffes ». Dans les années 1950, l’intérieur de l’église templière est en fort mauvais état. Les réparations sont urgentes. Il faut trouver le financement des travaux. Est-ce le souffle de l’Esprit Saint ? Toujours est-il que le curé de l’époque, Henri Michel-Reyne, a une idée de génie : faire « une messe aux truffes » pour récolter de l’argent. Il fut décidé que les fidèles donneraient des truffes lors de la quête de ce dimanche.

Le plateau de la quête a été remplacé par un panier qui au moment de l’offrande s’est rempli d’odorants diamants noirs. Vêtus de leurs magnifiques habits d’apparat, les membres de la Confrérie du diamant noir et de la Gastronomie donnent un éclat particulier à cette messe. Il a été prévu que les apports seraient, après la messe, vendus aux enchères publiques. Les trufficulteurs mirent la main à la poche. Ce fût un succès. L’odeur de la truffe dans l’église était nettement supérieure à celle de l’encens. C’est imprégné de la tuber melanosporum que les fidèles portent comme un acte de foi, à travers le marché, les senteurs du remarquable et sublime champignon.